Philippe Guillemant

Intention & libre arbitre

Le champ des possibles

Les boucles temporelles

Intention et libre arbitre

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INTENTION ET LIBRE ARBITRE

La théorie de la double causalité est née de la rencontre entre l’hypothèse métaphysique du libre arbitre et l’enseignement de la physique moderne.

Selon cet enseignement la réalité physique ne se contruirait pas dans le présent mais serait déjà déployée dans l’espace-temps et notamment dans le futur.

Si l’on ajoute à cela l’indéterminisme qui affecte la construction de la réalité – fondement de notre approche de la physique de l’information – nous en arrivons à la conclusion que bien que le futur soit déjà là dans le présent, il pourrait encore évoluer ou ne pas être totalement configuré. Auquel cas l’hypothèse du libre arbitre entraînerait inévitablement une influence immédiate de l’intention – vecteur du libre arbitre – sur le futur !

Cette conclusion qui peut apparaître comme ésotérique à première lecture ne l’est plus lorsqu’on précise que cette influence peut fort bien transiter par le cerveau, conformément au cadre matérialiste proposé ici pour expliquer les coïncidences étranges.

Toutefois, nous concluons également en bas de cette même page que le libre arbitre devrait avoir pour effet de désolidariser du présent les “bulles évènementielles” créées dans le futur par l’intention, même si celle-ci transite par le cerveau.

Ceci implique que l’intention serait capable de configurer un futur qui n’aurait encore aucun lien causal avec le présent. Or cette implication pour le moins étrange est de nature à faire douter de la réalité de l’hypothèse qui en est à l’origine: celle du libre arbitre.

Nous allons donc examiner ce que disent les physiciens sur la question du libre arbitre, avant de développer plus avant le point crucial de la théorie de la double causalité qui est lepouvoir très étrange de l’intention.

Ce que disent les physiciens sur le libre arbitre:

Il n’existe à ce jour aucun point de vue clair, réellement majoritaire et couramment admis chez les physiciens sur la question du libre arbitre.

L’on rencontre souvent des opinions extrêmes, qui vont de la croyance que le libre arbitre n’existe pas ou n’est qu’illusion, jusqu’à la croyance inverse impliquant qu’il intervient – par le biais de la conscience – dans le mécanisme de réduction de la fonction d’onde en mécanique quantique (je précise n’être partisan d’aucune des deux).

Le premier point de vue est très bien incarné par Stephen Hawking qui déduit cependant un peu vite, comme nous le verrons plus loin, l’absence de libre arbitre à partir d’un soit-disant déterminisme des lois physiques, alors qu’il ne s’agit que d’un déterminisme des équations.

Le point de vue opposé est défendu par Eugène Wigner (prix Nobel de Physique) et bien d’autres qui soutiennent la thèse de l’interaction de la conscience de l’observateur dans la réduction du paquet d’ondes. Son inconvénient est qu’il fait intervenir la conscience, une notion a priori non scientifique.

Cela pose en premier lieu aux physiciens un important problème de définition. Qu’est-ce que la conscience ? Je vais mentionner ici l’analyse beaucoup plus sage d’un autre physicien, Brian Greene, un partisan du déterminisme lui aussi, mais qui n’en déduit pas pour autant l’absence obligatoire de libre arbitre.

Voici donc une longue citation de son livre “La Magie du Cosmos” que j’ai choisi parce que tout en étant déterministe, l’analyse de Brian Greene reste ouverte aux idées multiples, résumant ainsi le plus finement à mon sens la situation de la physique actuelle par rapport à la question du libre arbitre:

<< Le libre arbitre est une question subtile, même sans les complications inhérentes au voyage dans le temps. Les lois de la physique sont déterministes. Comme nous l’avons vu plus haut, si nous pouvions connaître avec précision l’état actuel des choses (la position et la vitesse de la moindre des particules de l’univers), les lois de la physique nous indiqueraient exactement quel était l’état des choses dans le passé ou ce qu’il sera, à tout moment choisi. Les équations sont indifférentes à la liberté supposée de la volonté humaine. Certains ont été jusqu’à dire que, dans un univers classique, la liberté ne serait qu’une illusion. Nous sommes composés d’un agencement de particules, et, si les lois de la physique classique peuvent déterminer tout ce qui les concerne à n’importe qul moment – où elles sont, comment elles se déplacent et ainsi de suite -, notre aptitude à déterminer nos propres actions, à laquelle nous tenons tant, semble plutôt compromise. Ce raisonnement me convainc, mais ceux qui pensent que l’être humain est plus qu’une simple collection de particules ne seraient pas d’accord.

Quoi qu’il en soit, ces remarques ont leurs limites, puisque notre univers est quantique et non pas classique. En physique quantique (la physique du monde réel), il y a quelques similitudes avec ce point de vue classique, mais il y a également des différences qui peuvent être déterminantes. Comme nous l’avons vu au chapitre 7, si nous connaissons la fonction d’onde quantique de toutes les particules de l’univers à l’instant présent, l’équation de Shrödinger nous indique comment était la fonction d’onde ou comment elle sera à tout instant choisi. C’est un aspect complètement déterministe de la physique quantique, comme en physique classique. Toutefois, le fait d’effectuer des observations complique notablement l’histoire quantique et, comme nous l’avons vu, le débat sur le problème de la mesure quantique fait rage encore aujourd’hui. Si les physiciens concluent un jour que l’équation de Shrödinger renferme toute la mécanique quantique, alors la physique quantique, dans son ensemble, serait en tous points aussi déterministe que la physique classique. Comme c’était le cas pour le déterminisme classique, d’aucuns diraient que cela implique que le libre arbitre n’est qu’une illusion, tandis que d’autres verraient les choses autrement. Mais s’il s’avère que nous passons aujourd’hui à coté de tout un pan de la physique quantique – sil le passage des probabilités aux issues bien définies requiert plus que le cadre quantique conventionnel -, alors il est possible que le libre arbitre trouve une incarnation concrète au sein des lois physiques. Nous pourrions trouver un jour, comme l’ont proposé certains physiciens, que le fait d’effectuer des observations en toute conscience est partie intégrante de la mécanique quantique, représentant le catalyseur qui sélectionne, parmi toutes les issues possible du remous quantique, celle qui se réalisera. Personnellement, je trouve cela très peu probable, mais je ne connais aucun moyen de l’exclure.

En fin de compte, le statut du libre arbitre et son rôle au sein des lois de la physique ne sont pas résolus.>>

Brian Greene considère ensuite l’hypothèse que le libre arbitre ne soit qu’une illusion pour analyser le paradoxe temporel posé par la possibilité non exclue par la physique que nous puissions remonter le temps. Puis il considère l’hypothèse inverse:

<< Si le libre arbitre n’est pas une illusion, et s’il est possible de remonter dans le temps, la physique quantique a d’autres propositions pour ce qui pourrait avoir lieu, et elle se révèle clairement différente de la physique classique. Une proposition particulièrement séduisante, que l’on doit à David Deutsch, s’inspire de l’interprétation des mondes multiples. Souvenons nous de ce que nous avons vu au chapitre 7: dans l’interprétation de la mécanique quantique par les mondes multiples, chaque issue possible incarnée dans la fonction d’onde – le fait qu’une particule tourne dans tel ou tel sens, ou qu’une autre particule soit ici ou là – se réalise dans son propre univers parallèle. L’univers dont nous avons conscience à tout instant n’est qu’un univers parmi une infinité dans laquelle chaque évolution possible en vertu des lois de la physique quantique se réalise séparément. Dans ce cadre, il est tentant de proposer que notre liberté de faire tel ou tel choix reflète la possibilité pour nous de pénétrer tel ou tel univers parallèle à un moment ultérieur…>>

De cette longue citation on peut relever une contradiction évidente dans les conclusions des tenants du déterminisme que sont notamment les deux physiciens Stephen Hawking et Brian Greene, tous deux auteurs d’ouvrages de vulgarisation à grande diffusion. Alors que le premier adopte la théorie des mondes multiples tout en restant un fervent défenseur de l’idée que le libre arbitre n’est qu’une illusion, le second envisage cette même théorie comme fournissant au contraire le moyen de sauvegarder l’authenticité de notre libre arbitre. Pourquoi une telle contradiction ?

Le problème de la mesure en physique quantique restant un mystère, on peut comprendre que nos deux physiciens déterministes soient opposés à l’idée que la conscience puisse intervenir dans le résultat de la mesure. Je le suis aussi d’une certaine manière, car il resterait à déterminer par quel moyen la conscience fait ses choix au niveau intime de la matière.

J’interprète leur différence comme d’ordre émotionnel: Stephen Hawking évite la réponse en considérant que seul le hasard intervient dans le résultat de l’observation et que nous n’avons donc même pas à nous poser la question. Comme il adhère à la théorie des univers parallèles, il considère que c’est le hasard lui-même qui sélectionne l’univers dans lequel nous entrons après chaque observation. Oui mais quel hasard ? Dieu jouerait-il aux dés, sinon le hasard serait-il lui-même un Dieu ?

Brian Greene considère quant à lui que cette interprétation pose problème étant donné que la question du statut de l’observateur en mécanique quantique n’est pas résolue, la vraie question étant: qui ou quoi observe ? C’est à dire quelle est “l’entité” qui possède la propriété de faire disparaître les superpositions quantiques après une observation, faisant ainsi entrer des informations dans l’univers classique ?

Face à l’absence de réponse, Brian Greene considère qu’il y a là un mystère dont il veut bien reconnaître qu’il ouvre la porte à une possibilité d’existence d’un libre arbitre authentique, même s’il n’y adhère pas. Stephen Hawking quant à lui adopte une position très mécaniste qui consiste à penser que nous n’avons pas à nous poser ce genre de question, car le jour où la technologie permettra de réaliser des robots humanoïdes, nous serons bien incapables de faire la différence entre un robot intelligent et un être humain.

Faute de pouvoir faire cette différence, il affirme qu’un libre arbitre qui exprime une telle différence ne peut être qu’illusoire. C’est là l’opinion d’un physicien qui pose l’hypothèse du déterminisme comme un postulat, lequel reste toujours à démontrer.

Le théorème du libre arbitre

Le théorème du libre arbitre introduit en 2009 par l’un des plus grands mathématiciens vivants, Simon Kochen.

Associé à un spécialiste respecté de mécanique quantique, John Conway, il fait ressortir l’idée que les processus à l’oeuvre en mécanique quantique ressemblent bien plus à des choix qu’à des tirages au hasard qui justifieraient une vision purement probabiliste de l’évolution de l’univers.

Auquel cas, le concept de libre arbitre ne serait pas une illusion et mériterait alors d’entrer en physique par la grande porte.

John Conway et Simon Kochen définissent tout d’abord le libre arbitre d’une entité quelle qu’elle soit (particule, être humain…) comme une propriété selon laquelle, l’état de cette entité à un instant donné, ne peut pas être décrit comme résultant d’une fonction (au sens mathématique) portant sur l’état de l’univers avant cet instant. L’entité n’est donc pas du tout contrainte par son passé, mais libre de son évolution.

Le théorème du libre arbitre affirme que si un expérimentateur dispose d’un tel libre arbitre, alors les particules dont il cherche à mesurer l’état disposent aussi d’un libre arbitre! Il est pourtant raisonnable de considérer que les expérimentateurs peuvent avoir assez de “libre arbitre” pour choisir la manière dont ils organisent leurs expériences d’une manière qui n’est pas déterminée par l’histoire passée. Le théorème en déduit le fait surprenant que l’état des particules qu’ils cherchent à mesurer n’est alors pas non plus déterminé par l’histoire passée !

Conway et Kochen commencent par démontrer que si l’on accepte certains axiomes qui dérivent des résultats les mieux vérifiés de la physique moderne, axiomes que tous les physiciens quantiques considèrent donc comme vrais, alors certaines quantités mesurées par les physiciens ne peuvent pas pré-exister avant leurs expériences de mesure (en faisant déjà intrinsèquement partie de la réalité des particules étudiées). Cette démonstration entraine une remise en question totale de la conception “réaliste” de l’univers. Autrement dit, les quantités mesurées par des physiciens libres de leurs choix dans le déroulement de leur expérience de mesure ne peuvent pas dériver de l’information disponible dans l’univers (c’est à dire accessible à ces particules juste avant l’expérience), ce qui rend dans un certain sens leur mesure totalement irréaliste !

Ce théorème démontre en tout cas que les théories dites “à variables cachées” sont toutes fausses.

Ces théories supposent à tort que les particules ont plus de propriétés que la mécanique quantique ne veut leur attribuer, mais que ces propriétés sont “cachées” et ne se dévoilent que lors de la “réduction de la fonction d’onde” qui se produit lors de la mesure. Il s’ensuit une négation du principe du déterminisme largement admis depuis Descartes, principe selon lequel il serait théoriquement possible de décrire l’univers dans toute son évolution à partir de la connaissance de son état initial à un instant donné.

Le problème fondamental soulevé par le théorème du libre arbitre est celui de l’interprétation du hasard indéterministe à l’oeuvre à l’échelon quantique. En énoncant ce résultat tout à fait étonnant, selon lequel s’il existe un libre arbitre chez les humains, alors il en existe un pour les particules élémentaires également, il s’inscrit en effet à l’encontre de l’interprétation selon laquelle l’indéterminisme de la mécanique quantique serait régi par un hasard se pliant aux lois des probabilités et de la statistique … alors que nous avons ici plutôt affaire à un choix. Oui mais quel choix ?

Dans un certain sens, l’utilisation du terme “libre arbitre” par les deux mathématiciens peut être considérée comme une provocation délibérée dont le but est de faire comprendre que l’indéterminisme a été, à tort, lié aux probabilités, alors que sa véritable nature réside dans l’absence totale d’informations permettant de déterminer, à partir de la connaissance du passé, comment un système peut évoluer. Il s’ensuit une multiplicité d’évolution possibles et la question est donc de savoir ce qui détermine cette évolution:

  • Le hasard comme choix ou main de Dieu ?
  • Le libre arbitre ?

Devant un tel théorème aboutissant à de telles questions, il y a lieu de considérer avec plus de respect la question suivante: lorsque l’évolution d’une entité n’est en rien déterminée par son passé, ne pourrait-elle pas l’être tout simplement par son futur ?

Cette question n’est cependant pas posée par les auteurs car elle est rejetée d’office par l’un de leurs trois axiomes sur lesquels repose leur théorème et qui impose la causalité: aucun effet ne peut précéder aucune cause, ce qui interdit toute influence du futur. Si les auteurs avaient cependant envisagé de lever ce dogme de la causalité, la voie aurait été ouverte pour la question subsidiaire suivante, qui a l’avantage de nous amener à une meilleure compréhension de la façon dont notre libre arbitre pourrait s’exercer:

Le libre arbitre n’entrainerait-il pas une influence du futur ?

Le rôle de l’Intention, point crucial de la théorie de la double causalité:

Avec le rôle de l’intention comme expression même d’un libre arbitre supposé réel, nous abordons ici la question cruciale de la théorie de la double causalité.

Le fait que ce qui se réalise dans notre futur individuel dépende en bonne partie de notre état d’esprit est une idée largement admise dans le schéma conceptuel où l’on admet que nos pensées déterminent nos comportements, qui à leur tour conditionnent nos réactions en face des opportunités qui se présentent devant nous.

Une personne optimiste verra ainsi ses chances de réalisation augmentées par rapport à ce qu’il en serait pour une personne pessimiste, même si elles semblent faire exactement la même chose. On dira que la première “attire la chance“ en attribuant cette chance à une aptitude à saisir les opportunités dont le pessimiste serait dénué; son pessimisme le rendant aveugle aux occasions favorables.

Cependant, nous avons tous remarqué que certaines personnes croient en un facteur d’influence additionnel, que je qualifierais de “non causal” pour ne pas le qualifier d’emblée de “magique”, ce qui signifierait que je le range dans l’irrationnel. Par exemple certains brûlent des cierges ou font des prières, d’autres appliquent simplement la méthode Coué. Tout se passe comme s’ils pensaient que leur esprit est capable de déposer une demande à l’univers, demande qui pourrait être prise en compte indépendamment de toute préparation active qui pourrait la favoriser.

La question est alors de savoir si un tel facteur d’influence non causal de réalisation de nos intentions existe objectivement. Autrement dit, possède t-il une explication rationnelle ?

La réponse que je vais développer est oui. Je vais tenter ici de fournir un argumentaire en partant d’une conception du temps dont les éléments de base sont les suivants:

  • Notre futur est déjà réalisé sous forme d’une ligne temporelle A (notre destin),
  • Cette ligne temporelle coexiste parmi d’autres lignes temporelles qui représentent tous nos destins alternatifs possibles,
  • Notre futur peut alors être modifié, si par exemple notre destin bascule de la ligne temporelle A vers la ligne temporelle B.

La question est comment s’opère cette modification ? et surtout à quel moment ?

Jusque là, sans même répondre à cette question, je pense que chacun peut s’accorder sur ce schéma. Il convient évidemment de prendre en compte les progrès de la physique qui rendent aujourd’hui tout à fait crédible cette représentation du temps, réalisée avec des lignes temporelles qui peuvent basculer.

La question est la suivante: qu’est ce qui est à l’origine de ce basculement, de cette bifurcation: hasard ? déterminisme ? intention ? Tout reste possible. Déployons maintenant notre raisonnement:

A l’instant T1, si je prend la décision d’aller vers un nouveau destin B, au lieu d’aller vers un ancien destin A (que je ne connais pas nécessairement), quand mon destin va t-il changer ?

  • Est-ce que mon destin va changer au moment T2 où, fort de mes nouvelles résolutions B, je vais rencontrer l’opportunité de prendre cette nouvelle orientation B, initialement forgée à l’instant T1 ?
  • Ou est-ce que mon destin va changer immédiatement, c’est à dire au moment T1 ?

Cette seconde possibilité est schématisée sur la figure par un très léger décalage entre les lignes temporelles A et B (rouges et bleues) dont la durée est T2-T1.

Ce très léger décalage signifie qu’entre T1 et T2, il n’existe aucune autre différence entre les lignes temporelles A et B que le simple enregistrement de mes nouvelles résolutions quelque part dans mon cerveau. Je peux même oublier totalement, de l’instant T1 à l’instant T2, que j’ai modifié mes résolutions en T1, et ne plus y penser (à B). Il suffira simplement qu’à l’instant T2 se présente une opportunité qui me ramène B à la conscience pour que je fasse en conscience le choix décisif, le moment étant venu de saisir l’occasion. Mais il se pourrait aussi bien que ce “choix” soit inconscient, à partir du moment où mes résolutions sur B, devenues inconscientes, restent capables de me faire opérer le choix décisif de manière réflexe.

J’ai choisi volontairement ici une situation de changement de vie (par bifurcation) où le hasard n’intervient pas à priori, car l’occasion qui se présente au point de non retour est la même, que l’on considère A ou B: elle est déterministe.

Revenons donc, sans considérer l’influence du hasard, à la question cruciale qui est la suivante:

A quel moment mon destin bascule t-il de A vers B ?

Si vous jugez que mon destin bascule au moment T2, alors ma démonstration est terminée, car vous ne pourrez pas admettre la suite. Si par contre vous estimez qu’il est juste de considérer que mon destin a déjà basculé au moment T1, alors vous pouvez tranquillement poursuivre votre lecture.

Que se passe t-il donc au moment T1 pour que mon intention d’aller vers B ait non seulement laissé une trace dans mon cerveau, mais également semble-t-il, laissé une trace dans l’univers … puisque ce dernier va devoir se réorganiser de manière à prendre en compte le fait que je vais aller vers B plutôt que A ?

Si mon futur n’existait pas déjà, cela ne poserait pas de problème et la réponse serait qu’il ne se passe rien d’autre (que cette trace de nouvelle résolution B imprimée dans mon cerveau). Le problème est qu’il semblerait que l’univers ait à réagir instantanément au fait que, si je vais vers B plutôt que A alors je vais non seulement influer sur ma vie entière mais aussi sur celle des autres: un sacré travail de réorganisation en perspective !

Sans même introduire l’hypothèse du libre arbitre, nous avons là une grosse difficulté. La seule façon de la résoudre simplement est de considérer que toute évolution est déterministe et que la différence entre A et B n’existe pas. Nous n’aurions alors aucun libre arbitre qui ne soit pas purement et simplement illusoire. Dans ce cas, ma résolution B était déterminée d’avance par mon conditionnement mental et la ligne temporelle A n’existait pas, laissant seule B dans l’univers.

Mais dans ce cas, même le hasard indéterministe serait interdit, car ce hasard produirait le même paradoxe. Toute évolution, y compris le hasard, serait déterministe et les mondes parallèles de la mécanique quantique ne serviraient strictement à rien. Sauf peut être à fabriquer d’autres univers dans lesquels des reproductions de nous-mêmes pourraient coexister en même temps que nous, ici et maintenant, mais dont nous n’aurions pas la moindre conscience.

C’est semble t-il, la position dominante en physique à l’heure actuelle et la raison pour laquelle les physiciens restent en majorité déterministes malgré les résultats de la physique moderne, en faveur de l’indéterminisme. Il pourrait alors exister quelque chose de crucial que l’on aurait pas encore compris, ou que l’on ne voudrait pas encore admettre; même comme hypothèse.

Cette position soulève en effet une difficulté majeure.

La mécanique quantique nous apprend depuis belle lurette que l’évolution de l’univers à l’échelle des particules est indéterministe, et que cette évolution quantique pourrait même s’étendre à l’échelle macroscopique (nous vivrions dans un monde quantique). En renfort de ce monde quantique, la physique classique elle-même est soumise au problème de l’indéterminisme dès que l’on considère des trajectoires dispersives ou chaotiques. C’est d’ailleurs le cas général: par exemple un gaz est dispersif, la météo est dispersive et chaotique etc. Pour éviter l’indéterminisme, il faudrait supposer que toutes les positions et vitesses de toutes les particules de l’univers ont une précision infinie, c’est à dire que toutes les particules transportent chacune une quantité d’informations infinie. Une hypothèse peu concevable qui contredit surtout la majorité des modèles les mieux acceptés de l’univers, lesquels infligent une distance minimale indépassable en précision: la longueur de Planck, égale à 10 puissance moins 33 cm; heureusement pour l’information.

Je propose donc d’avoir le courage d’accepter les résultats de la physique pour oser regarder en face les conséquences d’un réarrangement perpétuel du futur de l’univers, où des lignes temporelles telles que A et B coexistent de manière distincte.

Muni de ce courage, on se trouve alors rapidement confronté au constat suivant:

Étant donné que le hasard indéterministe, considéré seul, produit des effets qui sont inconcevables en terme de désordre infligé en permanence dans le processus de réarrangement perpétuel du futur de l’univers, il est absolument raisonnable de trouver un mécanisme régulateur qui va éviter ce chaos destructeur. Sinon on voit mal comment notre futur pourrait être autre chose qu’une bouillie indescriptible devant laquelle on comprendrait encore plus mal comment un futur bien structuré parviendrait malgré tout à se dessiner devant nos pas.

Je pose en conséquence l’hypothèse suivante: il existe un mécanisme régulateur du futur de l’univers qui est tout simplement notre conscience, à travers laquelle va pouvoir s’exprimer notre libre arbitre. Il s’agit d’une conséquence directe du fait de considérer que l’instant T1 agit, donc bien avant l’instant T2, sur la restructuration du futur consécutive au fait que notre nouvelle intention a programmé notre cerveau de façon définitive. Il s’agit donc d’un raisonnement déterministe et matérialiste, contrairement à ce que l’on pourrait croire.

Pourquoi nos consciences, ayant donc ce pouvoir matérialiste et déterministe via notre cerveau, moyennant un libre arbitre relatif (car illusoire dans la majorité des cas), seraient-t-elles régulatrices ? Eh bien parce qu’elles permettraient de dessiner un futur structuré, évitant ainsi la bouillie résultant d’un hasard (Dieu) qui soit le seul à opérer.

Pour ce faire, on peut parfaitement imaginer que l’univers ne se structure pas d’un seul coup, d’une manière instantanée, mais seulement petit à petit. Nos consciences n’auraient pas un effet immédiat, nos intentions ne s’y imprimeraient pas “comme par magie”. Il y aurait cependant un effet immédiat qui consisterait, métaphoriquement parlant, à poser des pierres. Une vague intention poserait de la poussière, une intention déterminée et bien focalisée poserait une vraie pierre. La “prière” alors serait justifiée.

Le futur serait en formation de la même façon qu’un organisme, et l’univers recevrait ses informations de l’ensemble des êtres qui le composent, à différents degrés dépendant de la conscientisation de leur libre arbitre. L’ensemble de l’univers serait un organisme en croissance.

Le libre arbitre serait assorti d’une intensité, d’une amplitude mesurant sa capacité d’oeuvrer directement sur le futur. Cette capacité, cette intensité, cette amplitude, dépendrait de la connexion entre l’esprit et le mental. L’esprit serait une réalité fondamentale au même titre que la lumière, l’énergie ou la matière, si ce n’est plus fondamentale encore.

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